Peut-on vivre sans raison ?

Publié le 29 Septembre 2017

« Ce qui me manque, au fond, c’est de voir clair en moi, de savoir ce que je dois faire, et non ce que je dois connaître, sauf dans la mesure où la connaissance précède toujours l’action. Il s’agit de comprendre ma destination, de voir ce que Dieu au fond veut que je fasse ; il s’agit de trouver une vérité qui en soit une pour moi, de trouver l’idée pour laquelle je veux vivre et mourir. » (S. kierkegaard)

« Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. » - Albert Camus, Le mythe de Sisyphe

Il peut paraître incroyable qu’un nombre aussi important de personnes puisse trouver la force de continuer à vivre sans se poser sérieusement la question de la raison pour laquelle il le fait. La vie est par définition tragique, extrêmement difficile, source de souffrances, et cela même pour les plus chanceux d’entre nous. Les individus sont plus ou moins épargnés mais tous nous subissons de dures épreuves. Il y a en effet des épreuves auxquelles nous ne pouvons jamais échapper : la mort de ceux que nous aimons, la maladie, la dégradation de notre propre corps par les ravages du temps…  Aucun individu sur Terre ne connait un bonheur absolu de la naissance à la mort.

Le suicide paraît plus logique que de se donner tant de peine pour survivre, car il est extrêmement difficile voire impossible de trouver dans la vie suffisamment de joies pour compenser tout ce qui rend la vie dramatique. Aucun plaisir et aucune réussite ne pourra jamais rendre à quelqu’un la personne aimée qui s’en est allée et qui l’a laissé pour le restant de ses jours amputé d’une partie de lui-même. Pourquoi donc continuer à vivre, le constat étant fait que nous ne serons jamais plus "entiers" et que l’irremplaçable nous a été pris ?

Le psychiatre Victor Frankl a fait de la question du besoin de sens chez l’être humain la base de la démarche thérapeutique qu’il a créée et qui s’appelle la « logothérapie ». Il s’est basé sur la philosophie existentielle ainsi que sur son expérience personnelle des camps de concentration. Il a pu en effet observer que le fait d’avoir un but, une mission à accomplir une fois qu’ils seraient libérés, a pu contribuer à la survie des prisonniers. Avant lui, Nietzsche a dit : "Celui qui a un pourquoi qui lui tient lieu de but, de finalité, peut vivre avec n’importe quel comment."

Il est courant dans notre société que l'on cherche à nous persuader que le besoin de sens est un besoin « secondaire », non-essentiel à la survie, qui passe après l’assouvissement des besoins physiologiques, de sécurité, de socialisation, si l’on suit les étapes de la pyramide de Maslow. Celui qui cherche désespérément un sens à sa vie et qui souffre d’exercer un emploi qui lui prend tout son temps et toute son énergie et ne lui permet pas d’accomplir sa « vocation » serait donc un inadapté, un « doux rêveur », un « enfant gâté » qui n’a jamais eu à « se battre pour avoir à manger ».

Ces opinions sont dominantes dans notre société qui est basée sur les notions de survie et d’adaptation (cf. l'article de ce blog qui traite de ce sujet). Pourtant si l’on en croit l’expérience de Victor Frankl, ce serait un non-sens puisque ce qui permet justement la survie dans des conditions extrêmes telles que les camps de concentrations serait d’avantage l’existence d’une raison de vivre que la satisfaction des besoins primaires. Dans son livre « Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie », Victor Frankl explique également que l’existence d’une vie intérieure a été d’après lui un critère plus important que la force physique pour la survie dans les camps de concentration.

Par conséquent, la prochaine fois que l’on essaie de vous culpabiliser ou que l'on ne prend pas au sérieux votre besoin de sens, vous pourrez prendre du recul par rapport à ces critiques. Un être humain est bien plus qu’un estomac sur pattes, destiné à produire, consommer, se reproduire, s’amuser un petit peu, puis vieillir et mourir. Si vous avez conscience de cela, alors cela veut dire que vous avez fait un pas de plus que la majorité des personnes sur le chemin de la lucidité.

Cela vous apportera peut-être de l’incompréhension de la part des autres et de l’isolement. Les conséquences d’une plus grande lucidité est un sujet tellement riche que je ne pourrai pas développer ici car il mériterait au minimum que je lui accorde un article entier. J’espère cependant que cela pourra vous donner davantage de confiance en vous-mêmes et vous aider à garder la tête haute face aux personnes qui croient si bien savoir et ne se remettent pas personnellement en question tant elles sont persuadées que l’opinion majoritaire est indiscutablement la bonne.

Rédigé par Roseau pensant

Publié dans #Être ou ne pas être

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