Serait-il préférable que tous les êtres humains soient semblables ?

Publié le 3 Septembre 2017

Les différences d’opinions et de valeurs peuvent être à l’origine de conflits entre les personnes. Il existe une tendance naturelle plus ou moins grande chez chacun de rejeter de ceux qui ne nous ressemblent pas ou ne pensent pas comme nous. Du point de vue culturel, ce rejet s’appelle « l’ethnocentrisme ».

« Etymologie : du grec ethnos, nation, tribu, et du latin centrum, centre.

L'ethnocentrisme désigne la tendance plus ou moins consciente à considérer le monde ou d'autres groupes sociaux en prenant comme référence sa propre culture ou son propre groupe social, en privilégiant les normes sociales de son pays, en les valorisant systématiquement ou en les considérant comme supérieures.

Cette surestimation du groupe social, ethnique, géographique ou national auquel on appartient peut conduire à des préjugés, au mépris des autres groupes ou cultures, voire au racisme.

La sociologie explique l'ethnocentrisme par l'auto-affirmation d'un groupe dans son environnement socioculturel, avec pour conséquence une dévalorisation des autres groupes. Ce phénomène peut se rencontrer dans tous les groupes sociaux quels qu'ils soient : bandes de jeunes, groupes professionnels, classe sociale, etc. »
(Source : http://www.toupie.org/Dictionnaire/Ethnocentrisme.htm ).

D’après certaines études, l’ethnocentrisme serait un instinct de l’homme et aurait pour but de favoriser la cohésion des groupes sociaux. Une hormone particulière a même été identifiée comme étant à l’origine de cet instinct, il s’agit de l’ocytocine : http://www.jle.com/download/mtg-292572-actualites--WaxL-n8AAQEAADr8IV8AAAAB-a.pdf . Si cette hormone favorise la cohésion sociale et la solidarité au sein du groupe, elle favorise également l’hostilité envers les individus qui n’en font pas partie.

L’ethnocentrisme, instinct naturel chez l’homme favorisant son inclusion dans un groupe social dans un but de survie serait donc également la cause de nombreux maux dans notre société : guerres, racisme et toute autre forme de discrimination.

Cet instinct de nous touche pas tous au même degré. Il existe des individus très ouverts d’esprits, qui voient la différence comme une occasion d’apprendre de l’autre et qui ont même tendance à se rebeller contre les membres de leur propre groupe social. Cette attitude peut sans doute être corrélée au facteur de personnalité que l’on nomme « l’ouverture à l’expérience » dans la « théorie des Big Five » :
« Les individus présentant un niveau élevé d'ouverture apprécient en général les idées inhabituelles et l'art. Ils sont plus imaginatifs que pratiques. Ces personnes sont créatives, ouvertes aux idées nouvelles et différentes, et à l'écoute de leurs sentiments. Les individus ayant un score bas sont généralement plus fermés, opposés au changement et analytiques. »
(Source : https://www.123test.fr/ouverture-a-l-experience/ )

Il semble qu’il y ait une utilité à ce que cohabitent des personnes ayant une forte et une faible « ouverture à l’expérience ». Les individus ayant une forte « ouverture à l’expérience » ont pour avantage d’être plus tolérants, plus curieux, plus innovants et ont souvent des talents artistiques plus élevés. Cependant, ces personnes auront peu de patience quand il s’agira d’effectuer un travail routinier ou gestionnaire. Il semble que la population humaine a besoin d’individus qui innovent et d’autres qui font fonctionner la société. Ces deux types d’individus sont donc complémentaires. Malheureusement, ils ont énormément de mal à se comprendre et cela est la cause de bon nombre de conflits. Et c’est un serpent qui se mord la queue car les personnes ayant une faible « ouverture à l’expérience » auraient moins tendance à accepter les individus de l’autre groupe.

Les théories des facteurs de personnalités (comme la théorie des Big Five) et des types de personnalité comme le MBTI ont pour intérêt de légitimer la diversité en terme de personnalité au sein de la population humaine. Ainsi, il n’est pas plus « mauvais » d’être introverti que d’être extraverti. L’introversion est une notion qui fait l’objet de beaucoup de préjugés car elle est trop souvent confondue avec la timidité. Une personne introvertie peut être tout à fait compétente du point de vue relationnel. Ce qui la différencie d’une personne extravertie c’est qu’elle a d’avantage besoin de solitude.

L’apport de la diversité au sein de l’espèce humaine s’étend au delà de celui des traits de caractère. Du point de vue « utilitariste », on comprend que le fait d’avoir une diversité des talents permet à chacun de contribuer à la société selon ces talents qui lui sont propres. Du point de vue de la pensée et de l’art, la diversité du fonctionnement intellectuel et émotionnel ainsi que des expériences de vie permet une meilleure compréhension de la réalité et est une immense source de créativité.

Ainsi le poète Charles Baudelaire a écrit : « Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu'il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu'il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. » Si l’on suit le raisonnement de Baudelaire, sans différence, point de bizarrerie et donc point de Beau.

Je terminerai cet article en citant Hannah Arendt qui nous parle de l’égalité et de la diversité chez l’Homme :
 « La pluralité humaine, condition fondamentale de l’action et de la parole a le double caractère de l’égalité et de la distinction. Si les hommes n’étaient pas égaux, ils ne pourraient se comprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l’avenir et prévoir les besoins de ceux qui viendront après eux. Si les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire comprendre. Il suffirait de signes et de bruits pour communiquer* des désirs et des besoins immédiats et identiques.

L'individualité humaine n'est pas l'altérité (...). L’altérité sous sa forme la plus abstraite ne se rencontre que dans la multiplication pure et simple des objets inorganiques, alors que toute vie organique montre déjà des variations et des distinctions même entre spécimens d’une même espèce. Mais seul l’homme peut exprimer cette distinction et se distinguer lui-même ; lui seul peut se communiquer au lieu de communiquer quelque chose, la soif, la faim, l’affection, l’hostilité ou la peur. Chez l’homme l’altérité, qu’il partage avec tout ce qui existe, et l’individualité, qu’il partage avec tout ce qui vit, deviennent unicité, et la pluralité humaine est la paradoxale pluralité d’êtres uniques. »
Hannah Arendt,
 La condition de l'homme moderne (p.231-232, tr. G. Fradier), 1961

Et si le fait que nous sommes tous uniques n’était pas précisément ce qui nous rend égaux ?

Rédigé par Roseau pensant

Publié dans #L'amour inconditionnel et universel

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