Communiquer peut avoir plusieurs buts

Publié le 7 Juin 2018

Alors que j’écris moi-même un blog depuis septembre dernier, je me pose la question de savoir si je n’obscurcie pas le message que je veux faire passer en utilisant un mauvais style. Personnellement, je pense m’exprimer la plupart du temps dans un langage assez courant et accessible, d’autant plus que je ne pense avoir un vocabulaire particulièrement étendu. Cela s’explique par le fait je ne lisais pas beaucoup quand j’étais plus jeune et même aujourd’hui je lis très peu de romans car je lis davantage pour apprendre que pour me distraire.

 

Cependant, je me dis qu’il est possible que ce que j’écris puisse parfois paraître compliqué ou difficilement compréhensible. Je vous dis cela car certaines personnes m’ont fait le retour qu’elles ne comprenaient pas ce que j’écrivais ou plutôt c’est leur réaction qui m’a montré qu’elles n’avaient pas compris (à moins qu’elles le fassent exprès pour me mener en bourrique ce qui ne m’étonnerait pas de leur part).

 

J’ai parfois du mal à exprimer mes pensées avec des mots et des phrases. En effet, la pensée peut être imagée, multidimensionnelle. Traduire ses pensées en phrases s’opère toujours avec une certaine perte de sens. J’essaie de mon mieux d’utiliser cet outil qu’est le langage pour exprimer cette pensée. Afin d’en contourner les limites, j’ai parfois besoin de recourir à des figures de style, de faire des phrases assez longues ou d’utiliser des temps ou des mots peu communs car ils me permettent d’apporter la précision dont j’ai besoin. Je le fais peut-être maladroitement (on me l’a dit), je me bats avec le langage comme je peux (je le fais quand même souvent avec plaisir, ça a un côté agréable). Je n’utilise donc pas ces artifices pour complexifier ce que j’écris mais parce que cela m’aide à apporter des nuances ou alors à exprimer quelque chose qui me parait complexe.

 

Cependant, il y a des personnes qui, à l’écrit ou à l’oral, ne communiquent pas dans le but de se faire comprendre. Ce sont des personnes qui vont utiliser un style ou des mots compliqués soit pour manipuler soit pour impressionner ceux qui les écoutent parce qu’elles ressentent le besoin que les autres les trouvent intelligents.

 

Dans le premier cas, il s’agit souvent d’hommes et femmes politiques, de publicitaires, de toutes sortes de personnes malhonnêtes et sans scrupules qui cherchent à arriver à leurs fins sans égard ni pour les autres ni pour la vérité. Ou alors ce sont des personnes qui cherchent à avancer dans leur carrière et ressentent le besoin de faire semblant pour y parvenir. Comme l’explique Roland Gori dans son livre "La Fabrique des imposteurs", notre société d’aujourd’hui qui est fondée sur la « norme », encourage chacun à prétendre être ce qu’il n’est pas. « Fake it till you make it !» (« Faites semblant jusqu’à ce qui vous soyez parvenus »)

 

Dans le deuxième cas, quand des personnes complexifient leur expression par besoin d’être reconnues comme intelligentes cela peut être par manque de confiance en elles. En réalité, elles se sentent bêtes et pensent que si elles expriment leurs vraies pensées, alors elles vont dévoiler leur manque d’intelligence et de culture. Exprimer ses vrais sentiments, c’est aussi se mettre dans une position de vulnérabilité. Quand on fait tomber le masque, si on nous attaque alors la blessure ne sera que plus grande. Lorsqu’on est authentique, on peut courir le risque de paraître trop naïf, trop sensible, trop idéaliste, ou alors trop pessimiste, trop sombre, bizarre en tout cas différent ce qui est valorisé par la société.

 

L’écriture de cet article m’a été inspirée par la lecture de cet extrait d’une traduction en Anglais d’un livre d’Arthur Schopenhauer « The Art of Literature » : https://ebooks.adelaide.edu.au/s/schopenhauer/arthur/lit/chapter2.html .

 

J’aime comment, dans ce chapitre, Schopenhauer se moque des auteurs qui emploient un style et un vocabulaire complexe pour masquer le fait qu’ils n’ont rien d’important à dire. En montrant ce qu’il ne faut pas faire, il donne des conseils afin de devenir un bon auteur :

 

“The first rule, then, for a good style is that the author should have something to say; nay, this is in itself almost all that is necessary. Ah, how much it means!”

 

Ma traduction : “La première règle, alors, pour avoir un bon style, serait que l’auteur ait quelque chose à dire ; non, c'est en soi presque tout ce qui est nécessaire. Ah, combien c’est important !"

 

“It would generally serve writers in good stead if they would see that, whilst a man should, if possible, think like a great genius, he should talk the same language as everyone else. Authors should use common words to say uncommon things. But they do just the opposite. We find them trying to wrap up trivial ideas in grand words, and to clothe their very ordinary thoughts in the most extraordinary phrases, the most far-fetched, unnatural, and out-of-the-way expressions.”

 

Ma traduction : « Cela serait généralement fort utile aux écrivains s'ils pouvoir voir que, tandis qu'un homme devrait, si possible, penser comme un grand génie, il devrait parler le même langage que tout le monde. Les auteurs devraient utiliser des mots communs pour dire des choses inhabituelles. Mais ils font juste le contraire. Nous les trouvons essayant d'envelopper des idées triviales en grands mots, et de revêtir leurs pensées les plus ordinaires dans les phrases les plus extraordinaires, les expressions les plus farfelues, les plus artificielles et les plus hors-de-portée. »

 

En conclusion, si je devais vous donner quelques conseils, le premier serait que quand vous si vous ne comprenez pas ce que quelqu'un dit ou écrit, ne vous dites pas toujours que c’est parce que vous n’êtes pas suffisamment intelligents ou cultivés. C’est parfois le cas mais parfois c'est juste que la personne qui s'exprime n'a aucune intention d'être comprise ou pire elle espère que vous allez vous sentir bêtes.

 

Le deuxième conseil serait que je pense qu’il est préférable d’être authentique quand on s’exprime à l’écrit comme à l’oral, même si c’est difficile pour les raisons que j’explique plus haut et même si on court le risque d’être attaqué. C’est un conseil que j’ai moi-même beaucoup de mal à appliquer pour cette raison. Nous vivons aussi dans un monde qui encourage davantage le « paraître » que « l’être ». Pourtant, il serait tellement plus beau si nous osions montrer la perle, c’est-à-dire le plus beau de ce que nous sommes, qui se cache sous la coquille des apparences.

Rédigé par L'utopique romantique

Publié dans #Indépendance d'esprit

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